Le point sur l’évaluation en FLE

J’entame un nouveau cours du Master Dil-FLE dont le thème est un casse-tête pour moi depuis quelques années : l’évaluation, une épine qui me gène de manière récurrente. C’est donc l’occasion de faire un point sur ce sujet, avant de regarder du côté des certifications en FLE. Une première activité me propose un test sur mes représentations: c’est dit, mon approche de l’évaluation est essentiellement centrée sur l’apprenant ! Soit. C’est peut-être pour ça que la question me pose tant de problème !

Définitions : Elles sont multiples mais je retiens : « donner une valeur à la performance d’une personne à un moment donné, estimer la qualité et la quantité des connaissances et des savoir-faire au cours d’un apprentissage scolaire, de stages, d’expériences professionnelles » et non  pas celles qui me gênent : « tester », « classer », « examiner ». Non pas qu’elles ne soient pas légitimes, ces définitions correspondent à différents objectifs et sont sans doutes et selon les circonstances nécessaires mais ce sont les effets qu’elles induisent que je ne sais pas comment gérer. Le réalité quotidienne de l’école et plus largement les situations d’évaluation en France prennent plus souvent la forme de ces derniers verbes. Entre les idées de sélection, de classement ou d’exclusion, il y a celles de progression et et d’aide à l’apprentissage qui doivent pouvoir trouver leur place.

Je découvre que les premières évaluation sont apparues au Moyen-Age avec un objectif de sélection dont le seuil fluctuait : plus la demande était nombreuse et l’offre faible et plus le niveau requis était élevé. Mais il n’y avait pas de note, juste un seuil. Je ne remercie pas les jésuites pour avoir introduit des examens écrits et un système de notes à la Renaissance

Les expériences de LAUGIER et WEINBERG, à partir de 1930, représentent le départ de recherches sur l’évaluation scolaire et la fidélité de la note. Ces recherches partent du constat qu’une même copie obtiendra des notes divergentes dans le temps avec le même correcteur mais bien sûr aussi avec des correcteurs multiples.

Pour en finir avec le mythe de la vraie note. Selon LAUGIER et WEINBERG, il faudrait 78 correcteurs pour une copie de français, 19 pour une copie de latin, 13 pour les mathématiques, 16 pour la physique et 127 pour la philosophie pour obtenir une note « stabilisée », beaucoup plus selon d’autres expériences d’autres. Mais surtout, cette note stabilisée représenterait plutôt une synthèse appréciant des critères différents selon les correcteurs et s’éloigne finalement de l’« évaluation-mesure ». Parmi les facteurs responsables de ces écarts, on trouve :

  • l’échelle de notation en forme de courbe de Gauss (les individus moyens abondent mais les génies sont rares, les correcteurs évalueraient en conséquence).
  • l’effet d’ordre. L’évaluation d’une copie dépend de la précédente.
  • l’effet d’assimilation. Un élève qu’on sait « fort » est mieux noté.
  • les effets de notations personnelles (certains notent de 0 à 20, surtout en France , d’autres de 6 à 15, …)
  • Etc.

L’évaluation-mesure posant problème, certains se sont tournés vers l’évaluation-classement devant permettre de manière plus objective de situer les élèves les uns par rapports aux autres. Cette approche induit inévitablement un climat de compétition. Facteur de motivation pour les uns, mais au détriment de l’apprentissage et parfois démotivant pour les autres. Je me situe parmi les autres et c’est là, entre autre, que réside mon inconfort. Comment faire pour garder les effets positifs tout en évitant les autres ?

A partir des années 80, suite à la pédagogie par objectifs des années 70, à l’émergence des approches communicatives, l’évaluation est passée d’une conception orientée sur le contrôle et de maîtrise à une évaluation plus globale repensée en termes d’implication pour l’apprenant, intégrant l’auto-évaluation..

Différents points de vue sur l’évaluation :

evaluation

Sur l‘évaluation dans le cadre de l’apprentissage, je lis dans le cours « Les travaux récents sur l’évaluation scolaire et en formation d’adultes montrent bien qu’effectivement, nous sommes entrés dans un monde où mesurer ne signifie pas évaluer et évaluer n’implique pas toujours la mesure« . Je ne vois pourtant pas tant d’exemples de ce constat sur le terrain. Les élèves, les parents, l’institution, tous réclament des évaluations-mesures et des évaluations-classements sauf moi … et les mal-notés peut-être !

Sur les différentes fonctions de l’évaluation  :

Quatre fonctions de l’évaluation donc, correspondant à 3 temps différents : avant, pendant et après l’action de formation.

L’évaluation diagnostique ou pronostique peut servir l’enseignant afin d’adapter son enseignement à son public et/ou l’apprenant pour évaluer la difficulté du parcours à venir et pouvant déboucher sur une ré-orientation ou des aides complémentaires.

L’évaluation formative prenant en compte l’hétérogénéité des individus face à l’apprentissage qui doivent être les seuls bénéficiaires de cette action. Il s’agit ici d’évaluer les apprenants par rapport aux objectifs fixés individuellement et non par rapport au niveau moyen d’une classe. Elle représente un outil essentiel dans une approche d’individualisation de l’enseignement. Utopie pour Hadfi, cette évaluation reste peu pratiquée dans sa dimension individualisée sur le terrain. Mais sans aller vers une exigence d’individualisation relevant au final du préceptorat, il est possible, moyennant temps et investissement de la part de l’enseignant, de moduler les consignes et les feedbacks pour gérer l’hétérogénéité. Le numérique me semble réellement une piste intéressante pour relever ce défi. Mais, quelques soient les approches, en donne-t-on les moyens (temps / formation / équipement) aux enseignants ? Limites : Les évaluations formatives ne sont toutefois utiles que si les apprenants sont en mesure de recevoir, d’interpréter et de tenir compte des feed back. Il est nécessaire, à ce niveau, de faire le lien avec les facteurs de motivation mais aussi avec la triple concordance entre les objectifs, la méthode et les évaluations proposés.

Dans la catégorie des évaluations formatives, l’auto-évaluation me semble très intéressante à utiliser même avec de jeunes apprenants. Elle s’appuie sur l’idée que seuls les apprenants peuvent réguler leur activité d’apprentissage. Ils réussissent mieux s’ils s’approprient les critères d’évaluation. L’autoévaluation les aide à estimer leur compétences / performances et ouvre vers la prise de conscience des efforts et stratégies qu’ils doivent mettre en place. Elle améliore l’autonomie et donc les chances de réussite. Mais là encore, tous les apprenants ne sont pas en mesure de profiter de ce type d’évaluation.

Si l’évaluation est nécessaire, pour les institutions, les dispositifs, les enseignants, les apprenants et, selon l’âge de ces derniers, leurs parents, afin de situer, anticiper, améliorer, les effets sont parfois contre-productifs. Elle nécessite, de la part de ces protagonistes, une interrogation sur eux-mêmes qu’ils doivent être en capacité de mener. Mais elle fait désormais partie intégrante de l’acte pédagogique : elle est non seulement acceptée mais souvent exigée par tous ces partenaires. Reste à déterminer quand, comment et pourquoi évaluer.

En FLE, toujours à partir des années 80, le besoin de reconnaissance de la profession a conduit  à la création de filaires universitaires permettant la formation et la reconnaissance du niveaux des enseignant tandis que l’évolution des sociétés industrielles a réclamé la mise en place d’évaluations et de certifications efficaces conduisant à la création en 1985 du Diplôme Élémentaire de langue française (D.E.L.F.) et du Diplôme Approfondi de Langue Française (D.A.L.F.) permettant de recentrer et de crédibiliser la certification de niveau en Français.
Plus récemment, le Test de Connaissance du Français (T.C.F.) et le Test d’Évaluation du Français (T.E.F.), pendants du TOEFL pour l’anglais,  ont permis de répondre à la demande de tests plus simples et plus rapides à mettre en œuvre et à corriger pour des besoin liés à la mobilité étudiante ou salariale.

Le DILF (Diplôme initial de langue française) est un diplôme de français langue étrangère évaluant les premiers apprentissages (niveau A1.1 du Cadre européen commun de référence pour les langues).  

Le DELF (Diplôme d’étude en langue française) se décline en 5 versions : tout public, enfants (8 à 12 ans), juniors dans l’enseignement scolaire, adolescents dans l’enseignement scolaire et option professionnelle. Il existe sur quatre niveaux A1, A2, B1, B2.

Le DALF (Diplôme approfondi en langue française)existe en deux niveaux C1 et C2.

dilf delf dalf


Le TEF et eTEF
(version électronique), élaboré et diffusé en 1998, est un test de français général qui a pour objectif de mesurer le niveau de connaissance des personnes – plutôt professionnels dont la langue maternelle n’est pas le français. Ce Test d’Évaluation de Français comprend des épreuves obligatoires (compréhension orale, compréhension écrite, lexique et structures), représentant 150 questions (type Q.C.M.) et deux épreuves facultatives (expression orale et écrite). Il est accessible à partir d’une centaine d’heures de cours.

Le TCF est composé de trois épreuves obligatoires et de deux épreuves facultatives : compréhension orale (30 items), maîtrise des structures de la langue ( 20 items), compréhension écrite (30 items). Le Test de Connaissance du Français se présente sous la forme d’un QCM de 80 items. Les items sont présentés dans un ordre de difficulté progressive allant des niveaux A1 à C2 du Cadre européen commun de référence. Les niveaux de référence correspondent aux six niveaux du Conseil de l’Europe. La validité des notes est de deux ans.

Pour aller plus loin :
François Müller : Evaluer
Académie de Versailles : Les différents types d’évaluation : Quand, comment et pourquoi
Secrétariat de la littératie et de la numératie / Ontario – L’autoévaluation des élèves (pdf)
L’évaluation Gérard YVROUD : l’évaluation formative améliore-t-elle les apprentissages ? (pdf)
Alain Dubus, Gimonnet Bertrand. Les notes à l’école, Revue française de pédagogie

OING – Cadre de Référence des examens de langues d’ALTE
(pdf)
CIEP – Présentation des certifications DILF, DALF, DELF
CIEP – TCF : Test de Connaissance du Français
Chambre de Commerce et d’Iindustrie de Paris : Test d’évaluation en français

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